Ethan Gauthier faisait les cent pas dans sa chambre d’hôtel d’Ottawa après
avoir tout donné sur la glace au dernier match du camp de sélection de
l’équipe nationale junior.
Il attendait impatiemment que l’on cogne à sa porte. Finalement, il a dû
patienter près de deux heures avant de pouvoir célébrer.
« Ça a été probablement l’attente la plus longue de ma vie, admet Ethan. Je
ne tiens jamais rien pour acquis et je savais que j’avais un poste à gagner
au camp. Ça a libéré un gros poids de mes épaules. »
L’attaquant de 19 ans des
Voltigeurs de Drummondville allait réaliser un rêve de jeunesse : jouer au Mondial junior.
C’est son grand frère Kaylen qui a été le premier à recevoir un coup de fil.
« J’ai regardé son match le matin et j’attendais de ses nouvelles », confie
Kaylen, qui a joué une saison et demie avec Ethan, en 2022 et 2023, dans
l’uniforme du
Phœnix de Sherbrooke. « Il a fini par m’appeler et je l’ai vu avec le gros sourire au visage.
C’était un rêve pour lui. J’ai probablement autant de plaisir à l’appuyer
qu’il en a à jouer. »
Les frères Ethan (à gauche) et Kaylen Gauthier (à droite) ont tissé des liens serrés à Sherbrooke, ce qui a permis à Ethan de prendre son envol dans la LHJMQ. (Vincent Lévesque Rousseau / Phœnix de Sherbrooke)
« J’ai senti que mon frère devait être la première personne à le savoir,
explique Ethan, un choix de 2 e ronde du
Lightning de Tampa Bay dans la LNH. Il a définitivement eu le plus gros impact sur ma carrière. Il
peut se donner le crédit de m’avoir mené là où je suis aujourd’hui. J’ai
toujours eu un talent naturel quand j’étais jeune, mais c’est lui qui m’a
montré l’éthique de travail. Il prenait tout au sérieux et s’entraînait
fort. »
À la fois soulagé et fébrile, Ethan s’est empressé de partager sa joie avec
les membres de sa famille.
« Il nous a écrit dans notre groupe Messenger familial : "On va passer Noël
à Ottawa cette année!" », confie son père Denis, aujourd’hui analyste hockey
à RDS. « On s’est parlé après et il avait
un regard stoïque un peu, comme s’il ne réalisait pas ce qui lui arrivait,
mais il était vraiment fier de lui. Je voyais que ça importait beaucoup pour
lui. »
« Mon père m’a dit que ce serait probablement l’un des plus beaux moments de
ma carrière au hockey, commente Ethan. Pour moi, c’est une fierté. Si tu
enlèves de l’équation mon père, mon frère et toute ma famille, je ne serais
ni ici, ni repêché dans la Ligue nationale. »
La sélection d’Ethan vient ajouter un chapitre à la riche histoire de
l’équipe nationale junior. Denis et Ethan deviennent le quatrième duo père-fils à participer au
Mondial junior pour le Canada après Steve et Jeff Tambellini (1978 et 2004),
Dave et Sam Gagner (1984 et 2007), de même que Shean et Jorian Donovan (1995
et 2024).
Et le premier duo québécois, par surcroît!
Les deux pourraient même écrire leur propre page d’histoire si Ethan et
l’équipe canadienne gagnaient l’or cette année, 29 ans après que Denis eut
mis la main sur le précieux titre. En effet, aucun des trois autres duos
n’est parvenu à réaliser l’exploit à cette tradition canadienne de hockey du
temps des fêtes, déjà bien ancrée dans la famille Gauthier.
La poursuite d’une tradition familiale
Le
Championnat mondial junior de l’IIHF occupe une place de choix chez les Gauthier.
Tout part de la participation du père, Denis, à
l’édition 1996, présentée dans le Massachusetts. L’ancien défenseur au style robuste
conserve un souvenir impérissable de sa conquête de l’or.
« Il n’y a aucun doute que c’est mon plus beau souvenir collectif au hockey
», se remémore ce choix de premier tour des
Flames de Calgary en 1995, qui a joué 554 matchs dans la LNH. « Le fait d’avoir tout ton pays
derrière toi pendant 10-12 jours amène une intensité du moment qui est très
forte. Ce tournoi a été un point d’exclamation sur le reste de ma carrière.
»
Denis Gauthier (en bas à droite) a gagné l’or du Mondial junior 1996 avec le Canada, qui a maintenu une fiche parfaite de 6-0-0. Jarome Iginla, José Théodore et Christian Dubé faisaient notamment partie de l’équipe. (Hockey Canada Images)
De plus, son neveu Julien Gauthier [6 e rang en 2016 et
argent en 2017] ainsi que l’ancien pensionnaire des Gauthier à Drummondville, Dawson
Mercer [or en 2020 et
argent en 2021], ont vécu des hauts et des bas à ce tournoi.
« On a eu de super beaux moments et des déceptions, raconte Denis. Dans le
cas de Julien, ça n’a malheureusement pas toujours bien été pour lui. Pour
ce qui est de Dawson, il était devenu une sorte de grand frère pour Ethan en
vivant chez nous et on s’est attachés à lui. Ce tournoi-là compte beaucoup
pour nous. »
Et c’est maintenant le tour d’Ethan, qui a compris, dès son jeune âge
l’importance de cette classique annuelle pour sa famille.
« Évidemment, ça a été facile pour moi d’avoir un sentiment d’appartenance à
cette équipe-là quand j’étais jeune, vu que mon père et mon cousin y avaient
participé. Ça a toujours été une tradition de regarder le tournoi en famille
à notre chalet. Maintenant, c’est un peu dur pour moi de réaliser que je
vais en faire partie! »
Après une participation au Défi de la capitale 2021 (bronze) et à la Coupe Hlinka-Gretzky 2022 (or), Ethan prend part à son troisième tournoi avec Équipe Canada. (Hockey Canada Images)
Ethan s’amène à Ottawa avec une feuille de route bien garnie, fort d’une
expérience spéciale vécue avec son père l’an dernier.
La magie de gagner avec son père
En juin 2023, Ethan a été échangé du Phœnix aux Voltigeurs, ce qui a permis
au duo père-fils de se forger un souvenir mémorable à Drummondville. Denis
s’implique avec l’équipe depuis une dizaine d’années au sein du personnel
hockey (aujourd’hui à titre de conseiller spécial).
Au terme d’un balayage en finale de la ligue, Ethan et Denis ont gagné le
championnat de la LHJMQ ensemble. Soulever le trophée Gilles-Courteau à la
maison a été un moment fort en émotions pour les deux.
« Vivre la conquête avec mon fils à Drummondville, c’est difficile à décrire
ce que ça a représenté pour moi. On a une photo de notre accolade en avant
du bureau des entraîneurs au Centre Marcel-Dionne. Je la vois chaque jour,
et ça me fait toujours un petit quelque chose. »
Maintenant, il ne reste qu’à voir si les Gauthier pourront se faire une
autre accolade mémorable, à Ottawa cette fois, après avoir écrit leur propre
page d’histoire.