Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai entendu et lu des
histoires au sujet de mes ancêtres datant de la rébellion de la rivière
Rouge.  Il y a notamment un livre sur la famille de mon arrière-grand-mère,
qui vivait  sur une réserve dans le nord du Manitoba. Les familles du côté
de mon père ont  élu domicile dans les petits villages métis de Saint-Malo
et de  Saint-Pierre-Jolys.
Je dois vous avouer… Quand j’ai su ce que mes ancêtres ont vécu, je  n’étais
pas certaine si je devais être fière ou avoir honte de mon identité
autochtone. Au hockey mineur, on me prenait pour un petit garçon autochtone
sur  la glace, parce que je jouais avec une équipe masculine et que j’avais
de  longues tresses.
Je ne m’en faisais pas trop à l’époque, jusqu’à ce que je prenne
connaissance de certains des propos qui se disaient sur d’autres Autochtones
dans la communauté, des choses que je n’aurais jamais pensé entendre. On
parlait régulièrement de notre patrimoine métis à la maison, mais c’était
difficile de le faire une fois passé le seuil de la porte.
Par la suite, j’ai pensé qu’en cachant que j’étais autochtone, je ne me
ferais pas intimider ni blesser. J’ai enfoui le tout au fond de moi et je me
suis concentrée sur ma véritable passion : le hockey. Chaque fois que
j’enfilais  mon équipement, je voulais être la meilleure pour un jour
devenir un modèle  pour d’autres athlètes autochtones au parcours similaire.
Ma philosophie au quotidien consistait à toujours mettre les efforts  pour
m’améliorer. Forte de cette mentalité, je me suis taillé une place dans la
formation de la Colombie-Britannique en tant que joueuse doublement
surclassée  pour les Jeux d’hiver du Canada 2023 à l’Île-du-Prince-Édouard,
où j’ai eu  la chance d’aider l’équipe à remporter sa toute première
médaille d’or!

Cet événement a marqué mon parcours comme peu d’autres. Je crois avoir
montré que les athlètes autochtones peuvent jouer avec tout le monde.
Mon aventure avec l’équipe de la Colombie-Britannique s’est poursuivie  au
cours des deux dernières saisons. On a remporté le bronze à deux éditions du
Championnat national féminin des M18, et j’ai eu l’honneur d’être la
capitaine  lors du dernier tournoi au Nouveau-Brunswick, où j’ai reçu le
titre de  Meilleure défenseure.
J’ai aussi gagné deux championnats de la Canadian Sports School Hockey
League (CSSHL) avec la RHA Kelowna dans la division préparatoire féminine
des M18, j’ai battu le record pour le plus grand nombre d’aides en carrière
dans l’histoire de la division et j’ai été nommée Joueuse défensive de
l’année  de la CSSHL la saison dernière.
Sans compter que j’ai réalisé un rêve en portant les couleurs de  l’équipe
nationale féminine des moins de 18 ans du Canada, avec laquelle  je suis
médaillée d’or du Championnat mondial féminin des M18 2025 de  l’IIHF, qui a
eu lieu en Finlande. Quoi de mieux pour représenter les athlètes
autochtones!
Au fil de mon parcours avec mon équipe provinciale, j’ai découvert
l’Indigenous Sports Physical Activity and Recreation Council (I·SPARC), le
conseil autochtone en sports, activités physiques et loisirs à la tête des
équipes représentant la province au Championnat national autochtone de
hockey  (CNAH) chaque année. En 2023, quelques mois seulement après mon
expérience aux  Jeux du Canada, j’ai fait ma première apparition au CNAH, à
Winnipeg.
En 2024, j’ai participé à un deuxième tournoi à Grande Prairie, où j’ai
remporté une médaille de bronze, et j’ai reçu les prix régionaux et
provinciaux  du premier ministre pour l’excellence sportive chez les jeunes
autochtones.
J’y suis allée à une troisième occasion au début de mai, cette fois à
Kamloops, tout près d’Osoyoos, où j’ai grandi. J’ai de nouveau eu l’honneur
d’être capitaine de la Colombie-Britannique, et on a mis la main sur la
médaille d’argent, le meilleur résultat de l’histoire du programme.
Ces tournois m’ont fait vivre des expériences incroyables, tant sur le  plan
personnel que culturel. Je me suis sentie acceptée par mes adversaires, la
foule, le personnel entraîneur et mes coéquipières. Chacune de ces personnes
a  été d’une importance énorme dans mon développement comme hockeyeuse et
athlète  autochtone.
J’aimerais vous raconter une histoire survenue pendant mes années au  CNAH
que je n’oublierai jamais. Ça explique mieux que tout la raison pour
laquelle je veux aider la jeune génération (ce qui, à 18 ans, me fait  drôle
à dire!) à s’ouvrir pleinement à notre culture.
Une de mes meilleures amies, qui est autochtone, se faisait constamment
rappeler par ses coéquipières qu’elle n’était pas assez bonne pour faire
partie  de l’équipe de la Colombie-Britannique déléguée au National féminin
des M18. Il  leur était égal qu’elle soit prise au sein de l’équipe
provinciale de  l’I·SPARC; à leurs yeux, cette formation ne serait jamais
aussi bonne que ce  qu’elles considéraient être la « vraie Équipe
Colombie-Britannique ».
Je n’ai jamais cessé de rappeler à mon amie à quel point elle était une
joueuse talentueuse. À ce jour, je m’explique bien mal comment ses
coéquipières  pouvaient non seulement être aussi méchantes, mais du même
coup parler des  athlètes autochtones et du CNAH comme appartenant à un
calibre inférieur.
C’était inacceptable pour moi qu’elles nous pensent moins bonnes au  hockey
simplement parce que nous sommes autochtones. Je me suis rendu compte  que
je devais sortir de l’ombre et me battre pour cette juste cause.
Je suis très fière de me dire citoyenne de la Nation métisse de la
Colombie-Britannique (MNBC) et résidente du territoire traditionnel non
cédé de  la Nation Sylix (Okanagan)!
J’ai décidé d’en apprendre davantage au sujet de mon identité métisse.  Le
personnel de la MNBC s’est montré accueillant et m’a aidé à découvrir ma
culture et d’autres cultures autochtones. J’ai eu l’honneur de recevoir une
ceinture métisse des mains du président du conseil d’administration de la
MNBC  et deux ceintures de guerrière faites pour moi par des Aînés métis.

En outre, le CA de la MNBC m’a invitée à rencontrer des représentants
gouvernementaux pour leur parler des défis mentaux, physiques et émotionnels
auxquels les athlètes autochtones doivent faire face. J’ai fait valoir à
quel  point c’est difficile de vivre de la discrimination simplement parce
qu’on est  autochtone.
Les conséquences négatives de cette discrimination m’ont menée à suivre  un
cours de 12 semaines offert par Aaron Volpatti, un ancien de la  LNH, pour
m’aider avec ma santé mentale et ma confiance en moi. Il m’a appris  que
rien ne m’était hors de portée si je parvenais à me concentrer sur mes
désirs et à faire taire le bruit extérieur.
C’était une leçon précieuse. J’ai compris que c’était possible de
m’exprimer et de me battre au nom du bien. Je savais que je n’avais plus
besoin  de cacher qui j’étais, car j’avais tout un réseau prêt à me soutenir
et à  m’aider à me relever dans les moments plus difficiles. Être une
citoyenne de la  MNBC m’a permis d’être un modèle pour les athlètes
autochtones en leur prouvant  que rien n’est impossible si l’on met les
efforts nécessaires.
Mis à part les hauts et les bas d’être une athlète autochtone, j’ai dû
composer avec un autre défi pour lequel je n’y pouvais rien : j’ai souvent
été négligée ou sous-estimée à cause de ma taille (pour les curieux et
curieuses, je mesure 5 pi 2 po).
Peu importe ce que je faisais, chaque erreur et chaque défaite était
attribuée au fait que j’étais petite. Je savais que ma taille serait parfois
un  obstacle, mais je n’aurais jamais pensé qu’une entraîneuse s’en
servirait pour  me rabaisser. Je me faisais dire que j’avais coûté un match
à l’équipe, le  sous-entendu étant que c’était dû à ma taille trop petite.
Lors de mon  recrutement dans la NCAA, cette entraîneuse évoquait toujours
ma taille comme  un point négatif en parlant aux autres membres du personnel
entraîneur, plutôt  que de s’en tenir à mes habiletés.
Je suis petite… et je n’y peux rien! Je suis tellement chanceuse d’avoir  pu
travailler avec Venla Hovi et Kris Hogg, une entraîneuse et un  entraîneur
qui m’ont littéralement prise sous leur aile et ne m’ont pas  simplement
ignorée à cause de ma taille.
Venla, une double olympienne et vétérante du Mondial féminin avec la
Finlande, a été la première entraîneuse à me donner la confiance d’utiliser
ma  taille à mon avantage. Elle a vu mon potentiel et a travaillé avec moi à
trouver le confort dans l’inconfort. Elle a réellement transformé ma façon
de  jouer, pour le mieux. Elle m’a permis de voir ma taille comme une force
et une  qualité que les autres ne pourraient contrer. J’ai été tellement
chanceuse  d’avoir quelqu’un qui croyait autant en moi à mes côtés.
Lorsque je suis passé de l’Okanagan Hockey Academy à la  RHA Kelowna, Kris
est l’entraîneur qui m’a encouragée et soutenue au fil  de mon développement
comme joueuse. Il a vanté ma candidature aux universités à  chaque occasion,
sans jamais dire que j’étais trop petite pour la  division I. Il m’a
également aidé à repousser mes limites sur la glace  comme ailleurs, ce qui
m’a permis de battre des records que je pensais  entièrement hors
d’atteinte.
C’est avec l’appui de Venla et de Kris, ainsi que de membres du  personnel
entraîneur comme Mark Fitzgerald, Jim Liebel, Tyler Liebel, Travis  Martell,
Derek Ruck, mon père Dean et tant d’autres, que j’ai pu vivre mes  rêves au
hockey : représenter ma province, ma communauté autochtone et (je  peine
encore à y croire) mon pays!

Pour la saison à venir, je suis fière d’avoir accepté une bourse  d’études à
l’Université Penn State en vue de poursuivre ma carrière au hockey.
Mon parcours m’a fait réaliser que, peu importe ce qui se passe, il faut  se
battre au nom du bien et continuer à lutter dans l’adversité. Je suis si
reconnaissante pour toutes les occasions que j’ai eues et je continue à
travailler fort aujourd’hui pour être meilleure demain et réaliser mes
rêves,  soit de représenter le Canada aux Jeux olympiques et de jouer dans
la LPHF.
Je souhaite que mon parcours et mon histoire soient une source
d’inspiration pour les jeunes athlètes autochtones, qui verront que, avec la
bonne mentalité, tout obstacle peut être surmonté.